Quand Marcel Proust écrit que l’odeur et la saveur sont capables de porter « l’édifice immense du souvenir », il décrit une expérience universelle.
Cette conversation collective invite chacun à répondre à une question simple et vertigineuse :
Et votre madeleine à vous, c’est quoi ?
Pain, café, gâteaux, odeurs de fête, gestes de mère, voix disparues…
Ici, les souvenirs ne se racontent pas : ils se sentent.
Référence littéraire
« Quand d’un passé ancien rien ne subsiste, après la mort des êtres, après la destruction des choses, seules, plus frêles mais plus vivaces, plus immatérielles, plus persistantes, plus fidèles, l’odeur et la saveur restent encore longtemps… »
— Marcel Proust, Du côté de chez Swann, 1913
CONVERSATION - Retranscription brute
(Les témoignages suivants sont conservés tels quels, sans correction, dans leur langue et leur forme originales.)
Fatma Gharbi :
"Dès que j'entends le mot 3id et depuis de longues années et où que je sois, je sens l'odeur du wchak ouded et je revois comme un film tous les événements du sba 7 el aid: assiettes de 7lou, café au lait de ommi) au goût unique) les aidek mabrouks échangés entre-nous sans oublier mes vetements neufs au pied de mon lit. Une si belle madeleine !"
Marie Christine Betts :
"Et moi je me rappelle ces petits gateaux vendus dans la rue ou au terminus du tgm a tunis.. Je me rappelle leur gout et leur odeur.... Comme si c etait hier mais la triste verite c etait Il y a 43 ans..."
Ghariani Najet :
"Les objets, les saveurs, les odeurs éveillent les émotions, les visages des êtres chères se bousculent, s'assemblent, se rassemblent…
Le café de maman jusqu'à nos jours son odeur me chatouille encore les narines…
l'odeur du parfum de mon frère Azzaro je la ressens encore comme le jour où je l'ai embrassé après lui avoir fermé les yeux dans son ultime voyage !
L'aid et les odeurs des gâteaux au beurre, l'odeur du henné sur les mains, l'odeur de ma nouvelle robe achetée pour l'aid !
Par ces jours de ramadan proches de la grande fête familiale je ferme les yeux, je me sens emportée dans un air léger…
Difficile de se réveiller !
Toujours en quête d'un instant de bonheur éphémère qui reste inoubliable !"
Dorra Srarfi :
"Ma madeleine de Proust c'est le pain et le gâteau de Panalex. La citronnade et la pizza de Memmi !"
Ray Di Giovanni :
"Bien après notre arrivée en france tous les dimanches après midi mon père préparait un thé à la menthe dans une théière verte…
Quant à ma mère toute sa vie… tous les dimanches de sa vie elle nous a fait un flan aux œufs avec caramel…
Aujourd’hui je payerais très très cher pour en reprendre…"
Ray Di Giovanni :
"Moi ma madeleine de Proust c’est la Bssissa l’après midi et l’œuf battu avant d’aller à l’école…
manque le rituel de ma mère qui sortait la tête par la fenêtre pour m’appeler…"
Mika Ben Miled :
"Pain rassis frotté d'ail trempé dans huile d'olive.
Petite fille qui mange assise dans l'escalier de l'immeuble sous les bombardements pendant la guerre à Marseille."
Yasmina Aloui :
"Petit dej pain beurre et confiture fait maison…
hrisset ellouz chez Feu Mongi Barbouche…"
Fathia Ben Younés :
"Alors, ma madeleine de Proust est : hrisset el louz , et el frechk que j'adorais..,. Hélas !!!"
Mah Kamarti :
"L'odeur du pain grillé par lilla Chadlia…
Une odeur, mais rassemble des êtres, des choses, des animaux et des lieux. Odeur!."
Conclusion muséale
Cette conversation réveille des présences.
Chaque témoignage est une madeleine intime, mais l’ensemble compose une mémoire collective des sens, fragile et persistante.
Mots-clés
mémoire sensorielle · odeur · goût · enfance · madeleine de Proust · Tunisie · souvenirs · patrimoine immatériel · gestes du quotidien · famille


